Métaphores
Vous n’avez sans doute pas été sans remarquer que les ostéopathes utilisent beaucoup la métaphore pour tenter de faire partager leurs expériences palpatoires. La définition stricte de métaphore concerne un mot, mais on peut facilement l’étendre à la simple idée de comparaison, d’expression imagée destinée à faire comprendre un vécu. Still, Sutherland et de nombreux autres praticiens et enseignants recourent à ce processus pour tenter de faire comprendre ce qu’ils vivent avec leurs patients. Il en appelle à l’activation du cerveau droit.
La métaphore présente, par rapport à la description purement verbale (cerveau gauche), plusieurs avantages permettant de dépasser les limites du langage écrit ou parlé, lorsqu’il s’agit d’évoquer des situations de vie, par nature complexe. Notre langage, en effet, est ainsi conçu qu’il ne permet d’exprimer qu’une seule idée à la fois, alors qu’un vécu est fait de mille et une choses simultanées. Il ne permet donc pas ou guère facilement d’exprimer le complexe, qui pourtant caractérise toute relation humaine, thérapeutique ou non. La métaphore recourt à l’image alors que le langage recourt au verbe. Or, il semble bien que notre mode natif de pensée (en tout cas lorsque nous activons davantage notre cerveau droit), soit justement la représentation imagée.
La métaphore est donc particulièrement intéressante pour tenter de transmettre une expérience, notamment palpatoire et nous y recourons largement dans la pédagogie de l’approche tissulaire qui tente d’amener les participants à vivre une expérience la plus riche possible.
Elle est immédiatement utilisable, et peut être testée dès qu’elle a été évoquée. Elle crée un mode de relation fondé sur l’écoute et le ressenti plus que sur la construction intellectuelle et la projection d’un pré-établi ou d’un pré-conçu. En effet, le langage nous oblige à construire ce que nous voulons transmettre avant de le transmettre. La métaphore nous permet de nous placer, au contraire dans une situation de réception, d’écoute. Elle nous permet donc d’être plus « vrai » par rapport à ce que veulent nous transmettre les consciences corporelles de notre patient.
Cependant, même si elle permet de transmettre ou de percevoir beaucoup plus que le discours, elle n’évoque qu’une partie de la situation vécue et donc doit être utilisée et surtout généralisée avec précaution. Je vous propose quelques métaphores aujourd’hui utilisées couramment pour tenter d’aider les participants aux stages d’approche tissulaire dans l’amélioration de leur enracinement, de leur présence et dans leur rencontre avec les tissus vivants de leurs patients.
Enracinement
Pour aider l’enracinement nous demandons à la personne de s’imaginer comme aspirée vers le bas, le centre de la terre, le pesant. Une image qui « marche » bien aux dires des participants, est celle d’un corps lourd descendant lentement, mais inexorablement vers le fond de l’eau après que l’on ai coupé le lien qui le retenait à la surface. Parler d’un lien qui retient évoque un lâcher prise au lieu de l’idée de s’enfoncer « en force ». L’état d’esprit, et donc ce qui est vécu, est différent, puisque si l’on met de la force dans cette action (comme dans les autres), on crée en même temps une contre force, égale et opposée. C’est donc plus un « laisser faire » qu’un forçage.
Lâcher prise
Ici, il s’agit de laisser l’être rejoindre son « monde natif », celui de la conscience. L’évocation est encore plus difficile parce que nous ne sommes pas dans le concret. L’idée serait plutôt de se laisser « éparpiller » d’éliminer ses limites réelles ou supposées, d’aller vers le vaste, le léger, comme un ballon (encore le ballon...) gonflé à l’hélium qui s’élève inexorablement vers le ciel une fois la corde qui le retenait rompue... C’est finalement le même type d’action que l’enracinement, mais cette fois, « vers le haut. »
Rappelons toutefois que l’objectif est de trouver la juste position dans l’ici et le maintenant entre ces deux lâchers prises, l’enfoncement et l’élévation, la terre et le ciel et que la justesse de la position, du centrage entre les deux pôles nous est indiquée par un ressenti corporel agréable et si nous travaillons avec un ballon en main, la sensation d’un mouvement lent, ample et tranquille.
Rejoindre le dense
Inutile de rappeler que nous nous intéressons particulièrement aux densités corporelles de nos patients et que pour les rejoindre, afin d’entrer en communication avec elles pour les aider à se libérer, il faut, nous aussi, entrer dans la densité.
L’enracinement est aujourd’hui pour moi la méthode essentielle utilisée pour aller dans le dense. Mais pour que cela fonctionne correctement, il ne faut pas oublier de rester relié au léger, à la conscience, au ciel...
Quelques images peuvent grandement aider lorsque je dois accompagner les structures/consciences corporelles du patient dans la contrainte.
Le tir à la corde
Lorsque l’action requiert de la traction, une bonne pratique consiste à se représenter l’état dans lequel je me mettrais si je devais participer à ce jeu. Pour être performant, il faut bien entendu s’enraciner profondément, étant donné que la force prend son appui dans le sol. M’imaginer me mettant en place pour une partie de tir à la corde m’amène presque automatiquement à m’enraciner davantage, ce qui me donne un bien meilleur fulcrum. La force vient du bas, et non pas du haut.
Pousser l’armoire
Qui n’a pas un jour tenté de pousser un objet lourd (un coffre, une armoire, une auto en panne, etc.) pour le déplacer ? S’imaginer en train de se mettre en place pour cette action va, là encore, m’amener à m’enraciner davantage pour m’offrir un point d’appui stable à partir duquel je vais pouvoir pousser. C’est cette descente vers les appuis au sol qui va me permettre d’être plus puissant donc de déployer moins de force pour agir. La force vient du bas, pas du haut.
Ouvrir le bocal
Une autre situation intéressante est celle dans laquelle je cherche à ouvrir un bocal de confiture (ou de cornichons...) qui résiste. En général, inconsciemment, la première chose que je fais avant même de tenter de forcer, c’est de descendre dans mon « hara », c’est-à-dire dans mon bassin et dans les pieds encore une fois pour me fournir un point d’appui stable. Lorsqu’une structure entre dans la contrainte, le simple fait de me représenter dans la situation du bocal à ouvrir me donne la puissance nécessaire pour aider considérablement les choses à se faire, avec moins d’efforts... La force vient du bas, pas du haut. Essayez, pour voir.