Plusieurs raisons à cela, sans doute. L'une d'elle, et non des moindres à mes yeux, est le non-conformisme de l'auteur qui l'ont amené à oser franchir les limites de l'approche psychanalytique à laquelle il a été formé pour chercher des solutions dans des domaines non-explorés par cette approche, ceci pour aider son patient à résoudre des difficultés que son domaine d'intervention « ordinaire » ne lui ont pas permis de vaincre. Bien qu'il ne soit pas lui-même ostéopathe, je trouve cela très « stillien » :

« Après une quinzaine d'années de clinique relativement orthodoxe en tant que psychologue clinicien et psychanalyste, ma pratique fait aujourd'hui appel à des outils et champs de perception que ne renieraient pas bien des guérisseurs traditionnels. J'accompagne mes patients dans l'exploration et la compréhension de ce qui les limite et les fait souffrir, définition banale du travail de psychothérapeute. Mais, à cela, s'ajoute désormais dans mon cadre de travail la possibilité de modifier les inscriptions somato-psychiques liées à leurs difficultés. J'allie processus de conscientisation et intervention sur l'énergie du corps et ses mémoires. » (p.7)

Une autre raison est que Philippe Sieca a un regard sur le corps qui me semble très proche de la conception développée par le modèle de l'approche tissulaire :

« Car le lieu du psychisme et de l'inconscient est notre corps dans sa totalité, la matière vivante dans toutes ses manifestations. Notre corps constitue un vaste système de circulation d'énergie et un lieu d'inscriptions mémorielles. Ces inscriptions, à la fois issues de nos expériences fœtales et infantiles, du psychisme de nos géniteurs, de notre généalogie et des dimensions collectives de notre histoire, impriment à cette circulation d'énergie sa spécificité, en limitant d'emblée sa fluidité, dès les premiers instants de notre vie organique. Celle-ci peut être rétablie grâce au travail conjoint de conscientisation et d'allégement de la densité de ces inscriptions. » (p.7)

Une autre raison encore tient à sa curiosité et à son désir de mieux comprendre et d'être plus efficace qui l'ont amené à côtoyer des démarches pour lui complètement exotiques :

« Mon abord du soin, hors des pratiques académiques de la médecine et de la psychanalyse, se résumait au sentiment que tout acte « thérapeutique » du guérisseur traditionnel relevait du placebo et d'un effet d'adéquation aux croyances de l'espace culturel dans lequel le soin était exercé. Je savais qu'il existait en France des thérapeutes, hors cursus universitaire, qui pratiquaient des techniques étranges se référant à « l'énergie » ou à des systèmes théoriques extra-européens. Tout cela ne m'intéressait guère. Les gens qui y avaient recours me semblaient bien naïfs et ce monde n'avait aucune intersection avec les champs que j'explorais. Je l'imaginais peuplé de charlatans !
La frontière entre mon univers conceptuel et cet autre monde, quasi inexistant pour moi, n'aurait en toute logique jamais dû être franchie. Elle l'a pourtant été et, d'une certaine manière, je ne m'en remets pas ! » (p. 9)

Malgré ces réticiences, il s'est engagé lui-même en tant que patient auprès de thérapeutes de toutes sortes (dont certains ostéopathes) afin de tester, expérimenter sur lui-même et donc de progresser dans la résolution de son « cas personnel. » Tout en acceptant de se plonger dans un univers pour lui étrange et inconnu sa formation universitaire lui a permis de conserver une lucidité et une distance par rapport à ce qui lui était proposé :

« Le processus d'écriture mobilise mon passé universitaire, ses références et ses exigences et réactive un regard critique impitoyable sur mon parcours et ma pratique ! La seule voie possible consiste pour moi à retracer ce parcours. » (p. 9)

De tout cela résulte une modélisation et des propositions d'approche thérapeutique qui croisent sans cesse notre manière d'aborder le patient et de l'aider à traverser ses difficultés d'ordre somato-émotionnel. Ce qui est présenté dans cet ouvrage ne concerne pas seulement les patients, mais aussi, et au premier chef, les praticiens. Philippe Sieca défend en effet l'idée que les limites de la thérapeutique sont avant tout celles du thérapeute et son ouvrage peut nous aider à nous engager dans une voie de travail personnel qui semble, à mes yeux, indispensable à l'amélioration de notre pratique.

 « Chaque difficulté que je rencontre dans cet apprentissage sans fin se résout d'abord en moi. Quelle qu'elle soit, elle trouve toujours sa source dans des souffrances et difficultés psychiques liées à mon histoire propre (et non dans des mondes parallèles ou des vies antérieures !). Elle se résout dans l'analyse et la déconstruction de mes systèmes défensifs et compensatoires, dans un mouvement continu de réduction du fonctionnement de l'ego et de ses caisses de résonances transgénérationnelles et collectives incorporées en moi. » (p. 57)
 
« Le levier de l'acte thérapeutique est un phénomène d'induction effectué du corps du thérapeute vers le corps du patient. Il est proposé au corps du patient d'augmenter son niveau d'énergie et de rentrer dans un processus d'autorégulation. Cette proposition s'effectue sans contact par le seul fait d'inclure la structure énergétique du patient dans celle du thérapeute. Plus une structure est nettoyée de son histoire, de ses encombrements, plus elle se développe. Elle s'amplifie, se complexifie, fait apparaître de nouveaux centres énergétiques, de nouvelles connexions internes. Il en résulte une augmentation du niveau d'énergie, un plus grand nombre de fréquences émises. À partir d'un certain seuil, elle est capable de mettre en mouvement une autre structure. » (p. 70-71)

Le sous-titre du livre est : Un chemin vers l'autonomie. Bien que quelque peu à contre courant (non-conformiste) par rapport à de nombreuses approches prétendument thérapeutiques, à commencer par le système médical, l'objectif de base de la recherche de Philippe Sieca est bien d'aider le patient à accéder à la meilleure autonomie possible. Voilà également qui me semble important, tant pour nous praticiens/patients, que pour nos patients.

« Nous ne pouvons imaginer les ressources dont nous disposons. L'idée d'une véritable autonomie nous donne le vertige. Il nous semble que nous ne pourrons plus établir aucun lien si nous n'usons pas du ressort de la dépendance. Toute notre éducation et ses prolongements sociaux visent à la faire perdurer, accompagnée du réflexe d'appel à l'extérieur. Les inscriptions de ces impératifs en notre structure sont multiples, profondes, d'une efficacité redoutable. Une fois que nous sommes entrés dans le jeu social, avec ses innombrables dépendances croisées, ses dettes, obligations et bénéfices, y renoncer est ressenti comme une terrible mise en danger. Cette dépendance fonde le jeu social, garanti sa pérennité. Tout tend à la maintenir. La plupart des individus n'appréhendent leur valeur que dans le regard des autres et s'identifient eux-mêmes à leur valeur sociale. De fait, nos civilisations n'offrent guère d'autres possibilités...» (p. 117).

J'ai trouvé dans ce petit ouvrage, nombre d'informations et d'indications qui ouvrent des voies à explorer quelque peu inédites, mais qui peuvent nous aider à progresser pour nous-même et pour nos patients. Je ne puis donc que vous encourager à vous procurer et à lire ce livre. Je l'ai trouvé particulièrement stimulant.