Je suis ostéopathe. Il peut sembler étonnant, peut-être même incongru qu’un ostéopathe se lance dans la traduction d’un livre qui parle d’hypnose. Pourtant, cela répond à une logique et à une cohérence que j’aimerais partager avec le lecteur.
Mon chemin personnel et mon évolution en tant qu’être et en tant qu’ostéopathe m’ont amené à développer ce que nous appelons l’approche tissulaire de l’ostéopathie. Il n’est évidemment pas du propos de cette préface de détailler les fondements de l’approche. Pourtant il me semble nécessaire d’évoquer un point clé que nous appelons rétention d’énergie ou d’information.
Chaque fois qu’un organisme vivant expérimente un événement ou une situation qui le dérange, quelle qu’en soit la raison, il a tendance à se rétracter, à se fermer, à diminuer voire rompre la communication avec son interlocuteur ou son environnement. Nous appelons ce phénomène rétention d’énergie ou d’information.
Dans le travail avec les patients, il peut arriver que le cœur de la difficulté qui se manifeste physiquement ne soit pas physique, mais psychique et notamment une ou des rétentions provoquées par des situations émotionnelles chargées du passé, mal gérées. Pour libérer cet aspect de la difficulté, une technique a été mise au point qui s’appelle technique sur les flux relationnels1. Elle part de l’idée que lorsqu’une personne est en relation avec une autre, l’énergie ou l’information circule sur quatre flux différents : de je vers autrui, d’autrui vers je, d’autrui vers autrui (autrui envers lui-même ou vis-à-vis d’autres autrui) et je vers je, et que sur chacun de ces flux, de l’information peut rester bloquée qui perturbe le relationnel de la vie actuelle de la personne. C’est un peu comme si une partie de moi vivait encore dans un espace-temps-énergie-information qui n’est pas celui du présent. Cette technique, en libérant dans l’univers intérieur du patient les flux relationnels bloqués permet souvent un soulagement de symptômes qui ont résisté à des approches plus « mécanistes. »
Or, il m’est arrivé parfois qu’à la fin de la technique, alors que manifestement les flux relationnels entre le patient et la tierce personne ont été bien libérés, le patient ne se sente pas encore vraiment déchargé de sa difficulté. C’est souvent parce qu’existe en lui un événement antérieur présentant des caractères de similitude avec l’événement sur lequel il vient de travailler et qui a besoin lui aussi d’être déchargé. Lorsque je ressens cela, je propose souvent à la personne de se laisser aller dans un autre temps et un autre lieu où se trouve l’origine de ce qui la perturbe encore. La plupart du temps, la personne trouve une situation antérieure de sa vie, impliquant la, ou les mêmes personnes ou portant sur le même sujet de préoccupation. Mais à plusieurs reprises, il est arrivé que la personne évoque un événement et des personnes n’appartenant manifestement pas à sa vie présente. Cela ne m’a pas particulièrement choqué, puisque dans mon itinéraire de développement personnel, il m’est arrivé de me retrouver dans des événements qui ne pouvaient correspondre à ma vie actuelle et que j’ai interprétés comme des événements de « vies antérieures ».
Ne pas être choqué est une chose, trouver les bons moyens pour aider les patients à sortir de leur difficulté en est une autre. Cela m’a conduit à chercher dans la littérature ce qui pouvait exister concernant le sujet des vies antérieures. Ce que j’ai trouvé en littérature française sur la question ne m’a pas totalement satisfait, notamment parce je suis très souvent tombé sur des textes type new-âge qui ne satisfaisaient pas mon côté rationnel. J’ai donc cherché dans la littérature américaine et j’ai trouvé plusieurs titres qui m’ont paru plus satisfaisants, dont ce livre d’Irene Hickman, Mind Probe Hypnosis.
La première chose qui m’a interpellé, c’est qu’Irene Hickman était ostéopathe et que lorsqu’au début de son livre elle évoque les insatisfactions qui l’ont conduite à chercher dans d’autres voies, je me suis personnellement retrouvé. De plus, bien que ce soit anecdotique, elle a vécu et exercé à Kirksville, le berceau de l’ostéopathie. Je ne pouvais pas être totalement insensible à cela…
Ce livre parle d’hypnose, une technique dont je me suis toujours méfié, parce que ce que j’en connaissais me donnait l’impression d’une prise de pouvoir d’un praticien sur une personne, ce qui m’a toujours semblé indu parce que ne respectant pas le libre arbitre. Mais Irene Hickman précise que l’hypnose dont elle parle n’est pas l’hypnose de foire, celle que l’on voit à la télévision, ni une hypnose directive, dans laquelle le praticien induit chez son patient une suggestion de contrôle. Même si cette manière de procéder a pu se montrer bénéfique dans certains cas, elle n’amène pas la personne à découvrir, révéler ou dissiper ses anciennes expériences traumatiques qui maintiennent des troubles actuels.
Irene Hickman nous propose une hypnose non directive dont elle nous dit : « En utilisant des techniques non directives — poser des questions plutôt que de donner des suggestions — j’ai appris que l’on pouvait explorer des profondeurs surprenantes. Mes patients m’ont appris qu’à un niveau plus profond de leur conscience existe une source de connaissance et de compréhension, non seulement par rapport à la nature de leurs problèmes, mais également sur les causes de chaque problème et sur le remède nécessaire. »
Et d’ajouter : « J’ai acquis la profonde conviction que dans le subconscient de chacun de nous existe un niveau de sagesse et de perspicacité surpassant très largement ce qui est accessible dans notre état habituel de conscience. J’ai appris que par l’utilisation de l’hypnose, il est possible de transcender le temps et l’espace, de se rappeler des mémoires lointaines et de les revivre, certaines de temps très anciens. »
Voilà ce qui m’a intéressé : permettre à la personne de laisser émerger ce qui la perturbe et l’aider à le résoudre. De plus cette recherche de contact avec notre « sagesse inhérente » me semble en cohérence avec la philosophie ostéopathique.
De ce fait, l’utilisation de l’hypnose ne m’est pas apparue comme la partie la plus importante de cet ouvrage. D’ailleurs, je n’y recours pas. Nos techniques de relâchement permettent au patient de se détendre suffisamment, au point de faire baisser la vigilance de l’état d’éveil habituel et de permettre à des informations habituellement refoulées d’émerger. Ce qui m’a intéressé, c’est la manière de guider la personne et de lui faire réexpérimenter un revécu passé perturbateur pour l’en libérer, ce revécu fut-il de vie antérieure.
Ce livre dérangera sans doute plus d’un, ostéopathe ou non. C’est logique. Il évoque des domaines peu explorés en France et notre rationalité parfois frileuse nous pousse à rejeter tout ce qui nous entraînerait en dehors de nos limites de sécurité. Pourtant, il m’a apporté des éléments tellement pertinents pour aider mes patients que je ne peux les sous-estimer, d’où mon désir de faire partager les informations qu’il propose.
Reste la question de la véracité de ce qui est évoqué par les patients en état de régression consciente. S’agit-il vraiment de vie antérieure, de simples métaphores, ou de fantasmes de l’inconscient ? Je ne saurais trancher. Mais ce qui me semble important, c’est que ce cela vienne de l’inconscient et que ce soit thérapeutiquement efficace. Et sur ce point, ce que j’ai personnellement vécu et ce que j’expérimente avec les patients, ne me laisse guère de doute.
Une dernière chose, importante pour moi : je ne cherche jamais à emmener un patient dans des aventures de vies antérieures. En soi, le passé n’a aucun intérêt. La vie est dans le présent, c’est pour moi évident. En revanche, si lors d’un processus somato-émotionnel la personne est amenée à régresser dans une vie antérieure, alors je désire pouvoir l’accompagner et l’aider à libérer ce qui doit l’être. Voilà ce que nous propose cet ouvrage.
1 Cette technique et sa cohérence sont décrites en détail dans le Livre 2 d’approche tissulaire (pp. 211-227).