Cher Francis,
Notre première rencontre remonte à 1971. Je venais de terminer mon service militaire, au cours duquel j’avais eu la possibilité de commencer à pratiquer la kinésithérapie au sein du service de physiothérapie de l’hôpital militaire de Trèves en Allemagne, où j’avais été muté. Pendant neuf mois, j’avais pu pratiquer dans un service bien équipé, au sein d’une clientèle relativement proche de celle d’un praticien de ville : nous nous occupions des militaires engagés et du contingent (plutôt traumato), mais également des familles (plutôt rhumato). Ces neuf mois m’ont permis de me rendre compte que la kinésithérapie que j’avais apprise n’était pas suffisamment efficace à mon gré. Je savais donc qu’il me faudrait m’orienter vers des pratiques complémentaires. Au sortir de l’armée, à la recherche de travail, j’ai rencontré Michel Sanchez qui était installé comme kinésithérapeute à Saint-Germain en Laye et cherchait un assistant pour le seconder. Nous nous sommes entendus pour que je commence à travailler avec lui. Il m’a alors demandé si je voulais faire de l’ostéopathie. Je n’avais jamais entendu parler d’ostéopathie et ne savais absolument pas de quoi il s’agissait. Ce qu’il m’en a dit m’a laissé penser qu’il y avait une plus grande efficacité avec cette approche qu’avec la seule kinésithérapie. C’est ce qui m’a et poussé à m’engager dans cette voie.
Je me suis donc inscrit à l’AERTK (Association d’Étude et de Recherches des Techniques Kinésithérapiques), que tu avais fondée avec René Quéguiner quelques années auparavant pour enseigner l’ostéopathie. Passés mes premiers étonnements devant une approche par bien des côtés si différente de ce que je connaissais, j’ai été séduit par l’ensemble des concepts que René Quéguiner et toi tentiez de nous transmettre. Ce qui m’a alors particulièrement interpellé, c’est l’idée de globalité. Même si à cette époque ce concept était essentiellement envisagé sur le plan physique, il était pour moi à la fois nouveau (il n’en avait guère été question lors de ma formation de kiné) tout en me paraissant évident, de sorte que j’ai été séduit. De plus, à l’évidence, vous le viviez ce concept, contrairement à beaucoup d’autres ostéopathes rencontrés par ailleurs, qui en parlaient beaucoup mais ne le vivaient guère dans leur pratique.
Je fus également surpris et séduit par ta manière d’être avec les gens : bienveillance et désir de faire partager un savoir pour le meilleur bien du patient. J’admirais également ton savoir faire : c’était un régal de te voir détendre une région puis la manipuler avec douceur, mais fermeté, jusqu’au « craquement ».
Je me souviens également d’avoir eu tes mains sur ma tête et d’avoir eu des ressentis vraiment bizarres et particulièrement inédits pour moi, non seulement dans ma tête, mais également dans le corps, et m’être souvent senti « bien plus intelligent » après ces soins, comme accédant à une légèreté d’être, une clarté de pensée que je considérais comme remarquables. Cela rendait pour moi le concept de globalité encore plus évident ! Tout cela m’a poussé à continuer, malgré les difficultés que je rencontrais, parce que je sentais qu’il y avait une justesse, une pertinence et une portée dans ce que vous nous proposiez et qu’en persévérant, je finirais bien par « y arriver. » Nous avons ainsi cheminé pendant trois ans.
Nous étions peu nombreux (une dizaine, d’après mon souvenir), ce qui a permis, dès le début, l’installation d’une relation conviviale avec les enseignants, de sorte que petit à petit, des liens plus étroits se sont tissés entre nous. Tu nous as parlé de tes débuts, dans les années 50, nous racontant qu’en plus de tes études pour devenir kiné, tu avais travaillé aux Halles (les anciennes, au cœur de Paris) à des heures impossibles, à déployer des efforts physiques très durs, pour gagner de quoi aider à « faire bouillir la marmite. »