Livre : Philosophie de l'ostéopathie - Préface de l'édition française

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Préface à l’édition française

La Philosophie de l’Ostéopathie (Philosophy of Osteopathy) est le second livre d’A. T. Still, publié en 1899, deux années après l’Autobiographie.

Still a 71 ans et sa santé décline. D’anciens élèves commencent à publier des ouvrages sur l’ostéopathie dont Still n’est pas du tout satisfait. Dès lors, il se sent pressé par l’urgence de consigner l’essentiel ostéopathique. Philosophie de l’ostéopathie est donc le premier ouvrage écrit par Still avec cet objectif en tête.

Pour bien comprendre l’ouvrage, il me semble important de rappeler ce qu’était la médecine et sa pratique dans le Middle West américain à l’époque de Still, d’évaluer quel était le niveau de connaissances du temps concernant les sciences de l’homme, de présenter certains éléments de l’histoire du collège de Kirksville et du développement de l’ostéopathie, jouant un rôle important dans l’état d’esprit de Still à cette époque, et d’évoquer enfin rapidement les sources auxquelles s’est référé Still pour fonder son modèle philosophique.

Une médecine inefficace et dangereuse
L’évocation du contexte médical de l’époque et du lieu nous permettra de comprendre son cheminement mais également sa sévérité vis à vis des médecins et des systèmes médicaux : dans les états pionniers, la pratique de la médecine n’est pas réglementée. Elle ne le sera que progressivement à partir des années 1870. Cette médecine est probablement plus proche des descriptions de Molière que de la médecine actuelle et, bien entendu, elle est le plus souvent impuissante. Il l’appellera lui-même médecine de l’à-peu-près, ou du viser-rater (Still, 1998, 144).

À l’époque, la médecine s’apprenait auprès d’un praticien déjà en exercice, ce savoir pratique étant complété par la lecture des ouvrages de médecine que pouvait posséder le praticien (Trowbridge, 1999, 82). Ainsi, Still apprendra la médecine auprès de son père, pasteur méthodiste et médecin, au contact des indiens shawnee et de leurs pratiques.

Dans les années 1860, désirant parfaire sa formation médicale, il tentera d’intégrer un enseignement plus formel : « Ultérieurement, il dira que lors de son entrée à l’École de médecine et de chirurgie de Kansas City, immédiatement au sortir de la guerre de Sécession, il fut dégoûté par les enseignements et n’alla pas jusqu’au diplôme. Évidemment, un diplôme d’une école médicale de l’époque ne signifiait pas grand chose, si ce n’est un papier à accrocher au mur. Les conditions exigées pour entrer dans ces entreprises pour la plupart commerciales se réduisaient généralement à la capacité de payer les frais de scolarité. L’étudiant devait assister à un cours de deux années de conférences échelonnées de novembre à février, la seconde année présentant le même programme que la première, sans entraînement clinique et comme beaucoup d’étudiants étaient illettrés, seul un bref examen oral était requis pour obtenir le diplôme » (Trowbridge, 1999, 133-134).

Son intérêt pour la mécanique le conduira à rapprocher ses trouvailles de l’organisation de la structure humaine et à se plonger dans l’anatomie, qu’il étudiera sur les squelettes indiens. Il sera ainsi révolutionnaire en émettant l’idée d’une relation entre l’anatomie et la fonction. Cette étude, lui fournissant un support réel de connaissance, lui permettra également de sortir de l’empirisme médical de l’époque. En combinant une connaissance anatomique et physiologique à la logique d’un raisonnement, il fut pionnier dans l’approche scientifique de la maladie et de la médecine.